I- L'adaptation de la publicité depuis sa création

A- Une petite histoire de la publicité

Dès les origines, la publicité est caractérisée par le son et l'image. En effet au XIIème siècle des crieurs annoncent les ordonnances royales et les enterrements. Puis cette pratique s'étend aux marchandises à partir de 1450. Pour l'image, les enseignes parlantes renseignaient sur la nature de la marchandise vendue dans la boutique, elles seront remplacées par des tableaux collés contre le mur au XVIIIème. Ils sont véritablement considérés comme les ancêtres de l'affiche moderne. En 1553, François Ier (considéré comme le fondateur de la publicité moderne) publie un édit. Dorénavant ses ordonnances « après avoir été publiées à son de trompe et cri public seront attachées à un tableau, écrites sur des parchemins en grosses lettres ». En 1633, Théophraste Renaudot créé l'ancêtre des petites annonces en regroupant les offres et les demandes dans La feuille du bureau d'adresse.

Les XVIIème et le XVIIIème participent à la liberté de la presse et d'expression et renforcent les liens entre la presse et la publicité. En 1836, Emile de Girardin laisse des colonnes destinées aux annonces commerciales dans son quotidien La Presse. En 1842, les colonnes Rambuteau apparaissent et trois plus tard la Société Générale des Annonces est créée, c'est la première structure de coursage publicitaire. En 1867, Jules Chéret sort le première affiche publicitaire et en 1880 Suchard ajoute des images à ses boîtes de chocolats.

En 1881, la liberté d'affichage apparait, Paris la met en place en laissant le droit à l'affichage sur les murs pignons des bâtiments lui appartenant. En 1891, Toulouse-Lautrec dessine la première affiche du Moulin Rouge, Mucha suit en 1896 et signe une affiche pour La Dame aux camélias. En 1898, O'Galop invente Bibendum pour la publicité des pneus Michelin. En 1899, Leonetto Capiello publie une affiche caricaturale, il a dominé l'art de l'affiche jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. 

En 1922, la première station de radio commerciale Radiola, est créée avec son présentateur Radiolo, puis les annonceurs de concerts et de radio-crochets sont remplacés par des slogans chantés sur des airs connus. Les slogans profusent comme "Blédina Jacquemaire la seconde maman" ou "Y'a bon Banania" et Vendre, une revue professionnelle apparaît. En 1925, Citroën illumine la Tour Eiffel et l'affiche est présente pour la première fois à l'Exposition Internationale des arts décoratifs. En 1926, le groupe Publicis est créé et deux ans plus tard, Dupuy fonde l'agence éponyme. En 1932, la publicité apparait comme un art avec la création de l'Ecole Supérieure de Publicité et avec la Fédération française de publicité. A partir de 1937, la publicité au cinéma apparaît et l'affiche est au service de la propagande : des affichettes rouges et noires sont placardées dénonçant le nombre d'otages fusillés en représailles aux attentats contre des soldats allemands. En 1949, le "gag-visuel" fait sont apparition dans l'affiche.

A partir des années 1950, la France comble son retard en matière de publicité. En effet en 1955, pour la première fois les coureurs cyclistes du Tour de France portent de la publicité sur leur maillot. Par ailleurs, le Centre d’études des supports de publicité (CESP) est créé en 1956 pour la connaissance des audiences ainsi que l’Institut de recherches et d’études publicitaires (IREP). Le slogan "Moulinex libère la femme" apparaît la même année et de plus en plus de sociologues étudient des différentes stratégies publicitaires développées. La stratégie du désir est mise en évidence afin d'adapter le message publicitaire. En 1968, les premiers spots publicitaires apparaissent à la télévision.

Dans les années 1970, la publicité s'internationalise et les agences de publicité se multiplient. L’agence Roux et Séguela met en scène le président Pompidou à la barre de son bateau en 1970 ce qui provoque un scandale médiatique. A partir de 1978, l'Etat lance des publicités pour les économies d'énergies avec le slogan : "En France on a pas de pétrole, mais on a des idées". En 1981, Mitterand remporte les élections avec le slogan "La force tranquille". En 1989, la première émission de télévision consacrée à la publicité apparaît : CulturePub. En 1991, une loi interdisant la publicité pour le tabac est adoptée. Dans les années 1990, des stars du cinéma commencent à incarner des publicités comme Depardieu et Barilla. En 1992, les affiches Benetton provoquent le scandale en montrant l'agonie d'un malade du Sida. En 1998, les bébés Evian conquièrent le public et les publicités revisitent les chefs d'oeuvre de la peinture pour Yves Saint Laurent. En 1999, la publicité devient numérique avec le câble qui invite les téléspectateurs à en savoir plus. En 2000, la presse représente 51% des investissements publicitaires, la télévision 23,9%.

 

B- L'évolution de la vision des femmes et des populations noires

La femme-objet sexy (aussi appelée bimbo) n'est plus la seule représentée dans la publicité, la femme qui travaille (nouvelle réalité économique exige) devient une figure de la publicité. Elle ne correspond plus aux images de poupée sexuelle ou de simple ménagère du siècle dernier, elle est autonome, et a du pouvoir d'achat. Françoise Hernaez-Fourrier, directrice de l'étude menée par l'institut Taylor Nelson Sofres sur la représentation des femmes indique que l'executive woman apparait dans la publicité à la fin des années 1980 mais indique que plus qu'une réalité dans laquelle les consommatrices peuvent se reconnaître c'est un fantasme sexuel. En effet en 2000 on ne dénombrait que 7 femmes PDG dans les 400 plus grosses entreprises. Par ailleurs avec le spot publicitaire de Mir, la mère passe de celle "parfaite qui a toujours un Kinder à la maison" à la mère qui lave le kimono de son fils juste avant la compétition, un tabou saute : celui de la "mauvaise-mère" selon Françoise Hernaez-Fourrier. L'idéal disparaît, les femmes s'humanisent. Autre changement : depuis quelques années les publicitaires s'adressent aux femmes en matière d'automobile : la publicité Mégane-Scénique assortit la couleur de la voiture aux ongles de la femme présente dans le spot publicitaire, elle doit faire un choix : la publicité devient un accessoire de mode. Les mannequins apparaissent aussi changés : les différences physiques sont mises en valeur grâce notamment à Jean-Paul Goude et son mannequin fétiche : Grace Jones qui a un physique très androgyne et est surtout d'origine africaine ce qui est novateur pour les années 1980. Finalement, l'Association des Femmes Journalistes décernent tous les ans le prix de la publicité la moins sexiste. En 2004, il fut attribué à IBM.

 

 

 

 

 

Publicité IBM, source : internette.fr

 

 

Pour l'évolution de la vision des populations noires dans la publicité, celle-ci est plus lente et donc plus remarquée. On distingue trois courants différents quant à la vision des noirs dans la publicité. Avec tout d'abord, l'esclave noir. Les publicités respectent la bienséance et l'esclavagisme apparait dans des symboles : les champs de coton ou de canne à sucre et les pantalons rouges et noirs. 

Publicité Lefevre, source : volcréole.com

Puis le "Bon Sauvage" apparait. A l'insu de tous, le racisme s'est banalisé avec l'apparition des exhibitions de "Sauvages", divertissement très prisé jusqu'au années 1930. Les Noirs étaient assez systématiquement représentés avec de grosses lèvres, de gros yeux ronds, des oreilles généralement affublées de boucles d’oreille, des cheveux crépus, un nez empâté et un faciès prognathe. Les créateurs associent sauvage et progrès pour montrer la facilité d'utilisation du produit. 

Publicité pour le Negro Musical Comic, source : ComAnalysis-Publication 29

Ces expositions et publicités participent à l'arrivée d'un troisième courant beaucoup plus raciste même si il n'est pas considéré comme tel à cette époque, le racisme faisant alors partie des valeurs de la société.. En effet, les Noirs sont représentés comme des apprentis occidentaux. Au XIXème, nombreuses sont les publicités qui vantent un savon qui décolore la peau noire afin qu'elle devienne blanche considéré comme propre.

ImagePublicité Dirtoff, source : ADsTime.fr

Ils ont été "utilisés" pour des produits très divers mais certains restent caractéristiques : le chocolat (Banania), rhum (Negrita), riz (Uncle Ben’s) et la lessive alors qu'ils n'étaient jamais utilisés pour des voitures ou de l'électroménagers. Ainsi le racisme s'accentue jusqu'au milieu du XXème siècle mais le marché fini par évoluer donc la publicité a suivi. De nos jours les publicités, qui en général montrent leur cible, s'adressent moins aux minorités mais de plus en plus aux masses pour vendre un maximum. Cette stratégie permet plus d'égalité car un public de plus en plus divers est visé. Et même si la publicité s'adresse particulièrement aux populations noires, elle tient le même discours que pour les Blancs. Par ailleurs les publicités pour les marques de sport recourent à des ambassadeurs et dans ce domaine là les Noirs sont les leadeurs.

Publicité Heads, "Je veux être le meilleur. Comme Head" source : fondecrangratuit.org

 

C- Les lois et réglementations qui sont apparues

Cette évolution n'a pu se faire sans la création de lois pour réglementer la publicité. Selon l’article L121-1, toute publicité mensongère ou de nature à induire en erreur est interdite. Il n’y a aucune loi, aucune réglementation spécifique qui limite la diffusion de l’image féminine dans la publicité. Contrairement aux attentes de nombreuses associations, le rapport du secrétariat au droit des femmes ne propose pas de légiférer pour cette cause. Certains organismes luttent contre l’utilisation abusive de l’image de la femme, en utilisant elles aussi des publicités choquantes se servant de la soumission des femmes, de la violence ou de la pornographie pour dénoncer particulièrement les marques de luxe. Les associations féministes sont les premières à se lever contre cette forme de publicité comme La Meute ou Les Chiennes de garde. C’est dans cette optique que le Bureau de Vérification de la Publicité publie en 2001 une charte sur le respect de la personne humaine celle ci est tirée de la recommandation : l'image de la femme qui datait de 1975. Elle entend lutter contre la "représentation d'attitude, de violence et de soumission aux dépens de la personne humaine essentiellement des femmes." selon les termes du président du la BVP : Jean-Pierre Teyssier.

La loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 interdit la publication de propos diffamatoires qui inciteraient à la discrimination, à la haine, ou à la violence contre une personne ou un groupe de personnes pour des raisons ethniques, raciales ou religieuses.  Ainsi tout propos raciste dans la publicité télévisuelle ou iconographique est strictement interdit et sanctionné. La loi du 1er juillet 1972 y ajoute d’autres notions : elle punit entre autres l’injure raciste et les discriminations raciales comme on peut le voir dans l’article 1 : « Ceux qui, soit par des discours, cris ou menaces proférés dans des lieux publics, soit par des écrits, dessins ou tout autre support de l’écrit, de la parole ou de l’image vend ou distribué auront provoqué à la discrimination, la haine, la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, seront punis d’un emprisonnement d’un mois à un an et d’une amende de 2 000 à 300 000 Francs ou de l’une de ces deux peines. »